Littoraux poétiques est une émission qui entremêle la mer et la terre, la création et la recherche. Un chercheur ou une chercheuse raconte son parcours au travers d’une œuvre qui l’inspire et accompagne ses recherches.
Le biologiste marin Yves Hénocque a choisi La forêt amante de la mer de Hatakeyama Shigeatsu.
Interview réalisée par Catherine Boemare, ingénieure de recherche au Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) de l’EHESS, membre du groupe de travail Poete (Post-littoralisation et transition environnementale) du groupe de recherche Omer (Océan et mer) du CNRS
Référence : La Forêt amante de la mer de Hatakeyama Shigeatsu, traduit du japonais par Augustin Berque, éditions Wildproject
Yves Hénocque est biologiste spécialiste du milieu marin, président du Comité littoral et mer de la Fondation de France et secrétaire général du Plan bleu Méditerranée. Enfant, il a passé ses vacances au bord de la mer et sur l’eau et quand il a dû choisir un métier, il s’est tourné naturellement vers l’océan. Son choix de la biologie marine doit quelque chose aux parties de pêche à pied de son enfance.
En tant que chercheur à l’Ifremer, il a pu mesurer l’impact des activités terrestres sur la qualité de l’eau des rivières et donc sur le milieu marin, en l’occurrence la Méditerranée ; forcément, il s’est aussi penché sur cette interface terre-mer qu’est le littoral.
Le Japon et l’imbrication entre humains et nature
Depuis l’île de Houat où, alors jeune chercheur, il étudiait le homard et l’aquaculture, Yves Hénocque s’est rendu au Japon dans les années 1980. Il retrouve des échos du choc culturel qu’il a alors ressenti dans le livre La Forêt amante de la mer de Hatakeyama Shigeatsu, dans lequel cet ostréiculteur japonais singulier raconte comment il a été amené à penser la qualité des eaux côtières en lien avec la forêt où il avait grandi.
L’auteur remonte de la mer vers la terre ; il tente de comprendre les métamorphoses de l’océan en se tournant vers le bassin versant et la forêt qui l’entoure, une forêt de résineux d’exploitation – des arbres qui filtrent bien moins les eaux de ruissellement que les feuillus des forêts d’antan.
La composition et la langue de La Forêt amante de la mer peuvent dérouter. Le récit n’est pas linéaire, c’est une succession d’impressions, très inhérentes à la langue japonaise où les onomatopées sont riches et imagées. Est exprimé ce qui est ressenti dans l’instant. Un véritable dialogue entre l’humain et le paysage se joue. Peu d’auteurs européens ont su restituer cette imbrication avec une telle finesse. Pour Yves Hénocque, Jean Giono en fait partie, en particulier dans Le chant du monde.
Prendre conscience qu’on fait partie d’un tout
Yves Hénocque s’est préoccupé très tôt de l’impact des pratiques humaines sur l’océan et celles et ceux qui en vivent, et il plaide pour une évolution nécessaire de ces pratiques.
Selon lui, il est temps de cesser de considérer les ressources marines comme un simple objet de consommation, pour retrouver un respect que les conditions de vie et de travail contemporaines obligent les pêcheurs à mettre à distance, ce « sens du sacré » qui devrait imprégner notre rapport à la nature.
Une émission réalisée avec le concours de Aranxa Sanchez, Bénédicte Barillet et Thomas de Beugny de l’EHESS, Radio Évasion/Transistoc’h, et pour le groupe de travail POETE du Groupement de recherche Océan & Mer (CNRS), Alix Levain et Justine Berthod.